La grève des joueurs de flûte
OVIDE, Fastes, VI, 657-692
Aux temps de vos lointains ancêtres, la flûte était fort en usage, et les flûtistes furent toujours tenus en grand honneur : on jouait de la flûte dans les temples, on en jouait lors des jeux, on en jouait lors des tristes funérailles.
Le travail, payé, était léger. Mais vint un temps où cet art venu de Grèce fut brusquement interrompu.
Ajoute à cela qu'un édile avait ordonné de limiter à dix les artistes qui participaient aux cortèges funèbres.
Les joueurs de flûte quittent la ville et s'exilent à Tibur :
Tibur fut, à une certaine époque, une terre d'exil !
-Partie traduite dans le livre-
Sans attendre, les convives s'ébranlent, titubant sous l'effet du vin fort ; les pieds mal assurés, ils se tiennent droits, puis vacillent.
Alors le maître de maison dit : "Partez !", et, comme ils lambinent, il les hisse sur un chariot, équipé d'un large panier d'osier.
L'heure, les mouvements du chariot, le vin appellent au sommeil, et la troupe ivre s'imagine qu'elle rentre à Tibur.
Déjà, le chariot avait traversé les Esquilies, était entré dans Rome et, dès le matin, il se trouvait au centre du Forum.
A Rome, la musique de la flûte (tibia) accompagnait de nombreuses cérémonies religieuses : prières, sacrifices, défilés triomphaux au Capitole, processions au Grand Cirque, cortèges funèbres. Les flûtistes (tibicines) accompagnaient aussi les parties chantées dans les pièces de théâtre. On comprend dans ces conditions l'émoi que provoqua en 311 la grève des joueurs de flûte dont il est question dans les vers suivants.
Tibur : Actuellement Tivoli, à quelques kilomètres à l'est de Rome, sur l'Anio. Le ton du vers suivant a fait penser à certains modernes qu'il aurait été écrit après l'exil d'Ovide.
Les Étrusques, et en particulier les joueurs de flûte étrusques qui préludaient aux sacrifices, avaient à Rome une réputation solide de goinfrerie et d'ivrognerie. Tite-Live (9, 30) et Ovide (Fastes,