La guerre dans les liasons dangereuses
Rien ne semblait destiner Choderlos de Laclos à devenir l’auteur de l’un des plus célèbres romans de la littérature française : hormis les Liaisons Dangereuses, il ne nous a laissé que des œuvres mineures. Dès lors, l’on peut se demander si sa profession d’officier d’artillerie, fonction semblant à première vue incompatible avec sa vocation d’écrivain, et l’expérience de stratège qu’il en a tirée ne lui ont pas été de quelque utilité dans l’écriture de son roman : les personnages des Liaisons agissent souvent en faisant preuve d’un véritable esprit guerrier, le motif de la guerre est prépondérant dans le roman comme dans son adaptation par Frears et participe à la noirceur de l’intrigue. Comment le thème de la guerre apparaît-il alors de manière détournée, sans la présence directe d’un champ de bataille à proprement parler ou de tout autre élément référant directement à la guerre ? Nous allons dans un premier temps définir les situations dans lesquelles l’on peut dire que nous sommes en présence d’un conflit guerrier. Ensuite, nous verrons comment le motif de la guerre apparaît de façon matérielle à travers des objets et des lieux symboliques. Enfin, nous expliquerons en quoi les Liaisons développent une opposition entre la guerre que mènent les libertins et la guerre telle qu’on la conçoit dans le sens classique du terme.
Dans les Liaisons, la guerre est conçue la plupart du temps comme une lutte à la fois mentale et physique entre deux individus laissés seul à seul. Parmi toutes les situations qui illustrent ce genre de combat, c’est celle qui oppose le libertin à l’objet de son désir que l’on rencontre le plus souvent. A l’image de Dom Juan, Valmont compare l’activité de la séduction à une activité guerrière : il s’agit de plaire à l’objet désiré en lui lançant des assauts (exhibition de la beauté corporelle et vestimentaire ou du bel esprit, déguisement