La guerre est-elle un objet philosophique ?
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Un déni récurrent oblitère la pensée contemporaine de la guerre. L’équilibre de la terreur résultant de la stratégie de dissuasion nucléaire semble bannir la guerre de nos perspectives politiques. Depuis 1945, nous serions en paix, n’étant confronté militairement qu’à des situations " de crise ", " d’instabilité ", de " conflits " et de tensions. La guerre est absente de notre horizon politique : l’opération multinationale " tempête dans le désert " n’est qu’une opération de police menée sous l’autorité des Nations-Unies, l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie et Kosovo se réduit à une sanction, sous forme de " frappes chirurgicales ", de bombardements mesurés et sélectifs... aucune de ces deux interventions militaires majeures, quant à leur ampleur et leur portée symbolique, n’a été qualifiée de " guerre " par les autorités alliées, bien que les analystes les plus critiques voient dans ces interventions les manifestations d’un impérialisme débridé. Les guerres qui apparaissent dès la fin de la guerre froide sont de nature sécessionniste et résultent des ressentiments nationalistes exacerbés par plusieurs décennies de régime totalitaire. La chute de l’Union Soviétique a paradoxalement, en rompant l’équilibre des forces géopolitiques en Europe, ramené la guerre à notre réalité alors que nous aurions pu nous attendre, avec la fin de la guerre froide et l’intégration de l’ancien bloc communiste dans l’économie de marché, à une pacification générale de l’Occident. Que nous le voulions ou non, la guerre doit être repensée. Mais comment intégrer cette réalité sociale et politique, réalité tragique s’imposant avec toute la brutalité du fait accompli, dans une réflexion philosophique ?
Au vu des discours sur la guerre, on peut mesurer les difficultés rencontrées. Il semble impossible de penser philosophiquement, c’est-à-dire d’un lieu propre qui ne soit ni de l’éthique, ni de la sociologie, ni du politique, une réalité qui pourtant conditionne notre avenir et notre