La harpe-luth des dogon, journal de la société des africanistes
La Harpe-luth des Dogon, Journal de la société des Africanistes, 1950,
Volume 20, pp. 209-227,
M. GRIAULE et G. DIETERLEN.
« Il convient de dire à l’Européen, comme à l’Américain, que les temps sont révolus où ils pouvaient se croire les rois du monde et où ils tenaient dans une affection condescendante ou dans un mépris souverain les peuples conquis en vertu du droit du plus civilisé, du plus fort. » Cette citation de Marcel Griaule, publiée dans la revue Psychée en 1947, illustre et justifie parfaitement sa pensée, celle qu'il tisse implicitement tout au long de ces écrits. À travers La harpe-luth des Dogon, nous devons lire bien plus qu'une rigoureuse description de l'objet sacré, M. Griaule et G. Dieterlen nous laissent en effet entrevoir toute la complexité de chaque symbole, chaque mythe et chaque rite. Ils nous donnent à voir la richesse du savoir Dogon, un savoir savant reposant sur une mythologie de la création du monde, de leur propre origine, d'un peuple qui à travers le ciel parvient à façonner son histoire. Nous tenterons de comprendre comment cet objet, le ginguru, cet instrument de musique est hautement symbolique, comment la cosmogonie Dogon se construit-elle autour de celui-ci, à quel point cet objet renferme en fait une quantité de symboles et d'images métaphoriques dans le but d'enseigner et de transmettre des traditions orales de génération en génération.
Le premier aspect essentiel de cette minutieuse description du ginguru, c'est qu'elle justifie le rôle éminent de cet instrument dans les mythes de la comosgonie dogon. En effet, nous comprenons qu'à travers l'objet, toute une société s'articule, s'identifie. L'ensemble de symboles, le système symbolique, fonde la société dogon elle-même comme une entité organique. Chaque objet, du masque à l'instrument de musique est en symbiose avec le corps humain, d'où son aspect anthropomorphique. De ce fait, chaque aspect de la vie du peuple est une préfiguration d'un mythe, de