La jurisprudence est-elle source de droit?
La jurisprudence n'a plus le sens d'autrefois qui correspond à son étymologie, de « science du droit » (prudentia juris). Elle désigne aujourd'hui, dans un sens large, l'ensemble des décisions rendues par les juridictions nationales, et dans un sens étroit, la solution habituellement donnée par les tribunaux à une question de droit (la solution qui « fait jurisprudence »). C'est ce dernier sens qui amène à se poser la question de savoir si la jurisprudence est une source du droit, si l'habitude de juger d'une certaine manière un problème est susceptible de créer une règle de droit. Certains auteurs ne voient dans la jurisprudence qu'une autorité de fait, tandis que d'autres, de plus en plus nombreux, la traitent comme une véritable source du droit, bien que « honteuse, parce qu'officiellement inavouable et inavouée » (Dupeyroux). Certes, le pouvoir judiciaire n'a pas reçu d'habilitation à créer une règle de droit ; il n'est donc pas une source officielle du droit (I). Mais le juge ne tend pas moins à créer des règles de droit, à l'occasion d'un litige, faisant ainsi de la jurisprudence une source officieuse du droit (II).
I- La jurisprudence : une source non officielle du droit
La possibilité de créer des règles de droit n'est pas reconnue aux juges ; bien plus elle leur est refusée tant par la Constitution (A) que par la loi (B).
A- Les obstacles constitutionnels à la création du droit par le juge
Les articles 34 et 37 de la Constitution ne font aucune place au juge pour élaborer la règle de droit. Poser une règle de droit, c'est faire un acte de souveraineté : la souveraineté n'appartient qu'au peuple dont la volonté est exprimée par ses représentants élus. En outre, le principe de la séparation des pouvoirs interdit, depuis la Révolution, au juge de s'immiscer dans la fonction législative en posant des règles générales (article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26