La jurisprudence, source du droit triomphante mais menacée
par Michelle Gobert Professeur à l'université Panthéon-Assas (Paris II)
** * Pour prendre la mesure de la place qu'occupe la jurisprudence dans l'ensemble institutionnel et juridique français, il suffit d'imaginer que le silence se fasse : plus de décisions. Afin de ne pas allonger, de façon démesurée et sans intérêt particulier, l'énumération, sans doute peut-on se contenter d'évoquer le silence de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice des Communautés européennes et de la Cour européenne des droits de l'homme. Mais, pour que silence se fasse, devrait-on mettre au repos ces différents conseils et cours ou suffirait-il de suspendre le mouvement des rotatives sans lesquelles il n'y aurait ni bulletins, ni recueils, ni revues de jurisprudence et, maintenant, de remiser son minitel ? Car, de même que, pour les lois - comme l'a dit Portalis dans le discours préliminaire sur le projet de code civil - connaissance et promulgation sont liées, de même pour les décisions, le sont publication et connaissance. Le rapprochement, toutefois, doit s'arrêter là. En effet si, grâce à la promulgation, toutes les lois votées sont connues, toutes les décisions rendues (réserve faite évidemment de celles du Conseil constitutionnel) n'avaient, jusqu'à l'époque actuelle, pas droit à la lumière. Le méritaient-elles d'ailleurs ? On pense généralement que non. L'informatique qui donne un accès de plus en plus généralisé à l'information jurisprudentielle permet d'ores et déjà, pour qui en aurait le goût, de vérifier, sur des points témoins, si la croyance est justifiée. Peu importe car pour répondre à la question posée, pour l'instant, on s'attachera moins au fond qu'au volume. Or celui qui est déversé sur la scène juridique par les organes de diffusion, toujours plus nombreux, suffit,