La justice contractuelle
Alors que le code civil, à la suite de Pothier, a fait du contrat une espèce de convention et que la doctrine contemporaine a tendance à assimiler ces deux concepts, il demeure opportun de distinguer, comme en droit romain, l’opération économique consistant en un échange de valeurs (contractus) et l’échange des consentements qui en fixe les modalités (conventio). En effet, il se peut que la convention des parties engendre un contrat déraisonnable, car
manifestement déséquilibré au détriment de l’une d’entre elles. C’est alors que se pose le problème de la justice contractuelle. Doit-on s’en tenir à ce qui a été convenu, quelle qu’en soit l’injustice, ou faut-il qu’une autorité extérieure aux parties contractantes s’immisce dans la sphère conventionnelle dans le but de rectifier ce qui a été stipulé ? La réponse à cette question n’est point univoque ; elle dépend de la philosophie du contrat, et plus largement de la philosophie du droit adoptée. En simplifiant, l’alternative principale est la suivante : ou bien la justice contractuelle se réduit à la convention et le juge doit s’en tenir aux stipulations des parties, ou bien elle transcende la convention, cette dernière devant lui être soumise et au besoin rectifiée à son aune.
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LA JUSTICE CONTRACTUELLE RÉDUITE A LA CONVENTION
La question de la justice contractuelle ne pose guère de difficultés dans la théorie qui réduit le contrat à l’échange des consentements des parties contractantes, celui-ci étant censé traduire leur volonté commune. A partir du moment où les consentements respectifs ont été libres et éclairés, la convention qui en est le produit ne peut qu’incarner la justice contractuelle. On peut aussi expliquer cette réduction de la justice contractuelle à la volonté commune des contractants par le non-cognitivisme axiologique qui postule que la justice, comme toute les valeurs, ne peut être l’objet d’une connaissance scientifique ; au contraire, la norme