La laitière et le pot au lait
Le texte.
« La laitière et le Pot à lait » appartient au livre VII des Fables, livre avec lequel La Fontaine inaugure en 1678 un second recueil, dédicacé à Madame de Montespan[1]. Cette fable est inspirée d’une nouvelle de Bonaventure des Périers, « Comparaison des alchimistes à la bonne femme qui portait une couvée de lait au marché ». L’animal n’est plus ici le personnage central du récit ; le fabuliste met en scène une jeune paysanne entreprenante qui se rend à la ville et rêve de s’enrichir. Mais la réalité vient détruire l’illusion flatteuse du rêve.
Perrette, sur sa tête ayant un Pot au lait Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue, elle allait à grands pas,
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, Cotillon[2] simple et souliers plats. Notre laitière ainsi troussée[3] Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait; en employant l'argent ;
Achetait un cent d'oeufs, faisait triple couvée[4]:
La chose allait à bien par son soin diligent[5]. «Il m'est, disait-elle, facile
D'élever des poulets autour de ma maison; Le Renard sera bien habile
S'il ne m'en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s'engraisser coûtera peu de son[6];
Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable:
J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon.
Et qui m'empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?"
Perrette, là-dessus, saute aussi, transportée:
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée.
La dame de ces biens, quittant d'un oeil marri[7] Sa fortune ainsi répandue, Va s'excuser à son mari, En grand danger d'être battue. Le récit en farce[8] en fut fait; On l'appela le pot au lait.
Quel esprit ne