La liberté consiste-t-elle à n'obéir à personne ?
Préjugé fort commun, être libre, c'est ne rien devoir à quiconque, n'obéir qu'à soi-même et ne dépendre de personne. « Libre comme l'air », donc sans attache ni contrainte dans un imaginaire monde sauvage où l'animalité apparaît comme un modèle de vie idéal. Toutes ces images du monde du vivant ou de celui des choses inanimées s'associent dans une même idée : être libre, c'est ne connaître aucune limite, aucune contrainte… Mais est-ce là être vraiment libre ? Être libre, est-ce n'obéir à personne ?
Libertas est un mot du vocabulaire des paysans latins : on y trouve liber, le nom de la chair vive de l'arbre, celle qui sous l'écorce le fait croître spontanément d'un mouvement naturel, et à quoi l'expérience des agriculteurs associe l'idée que cette croissance doit être guidée. Littéralement, libertas signifie « contrainte », celle de la taille qui permet à l'arbre de devenir meilleur. Ainsi, dans son sens originel, la liberté est-elle d'abord cette contrainte, positive certes car avantageuse – l'arbre va fructifier abondamment –, mais qui est quand même une contrainte. Alors, être libre, est-ce être contraint ? Ou est-ce n'obéir à personne ?
Remarquons d'abord que l'expérience des paysans s'inscrit dans le temps de l'horticulture, temps qui par définition est celui des soins que l'on donne pour obtenir une amélioration, semblable au temps humain de l'éducation. L'arbre et l'enfant ont besoin d'un tuteur. Mais le tuteur de l'arbre n'existe que comme contrainte inerte, simplement attaché et rigide, alors que le tuteur humain est vivant ; il a conscience des buts qu'il se donne et doit distinguer la rigueur du rigorisme, voire de la rigidité, en d'autres termes se demander quel type d'éducation peut être source de liberté ?
I. Apprendre à être libre, à n'obéir qu'à soi-même
Dans un premier sens, celui de l'éducation de l'enfant, c'est au Rousseau de l'Émile que nous allons poser la question. Le but du tuteur est d'aider l'enfant à atteindre par