La litt rature Africaine
Les littératures africaines produites dans les langues européennes naissent à partir du moment où les écrivains manifestent la volonté de substituer leur propre discours à celui que l’Occident tenait sur l’Afrique et qu’il s’efforçait d’imposer comme le seul que l’on pût tenir légitimement sur ce continent et ses sociétés. Sur le plan méthodologique, le rappel de ce fait est important car il invite à mettre l’accent sur la situation de concurrence des discours dans laquelle se sont trouvés placés, dès le début, les écrivains africains et, ainsi, à prendre de la distance avec la thèse souvent défendue qui tend à réduire l’écriture du texte africain à l’expression d’une expérience vécue par un sujet : hier, celle du monde colonial, aujourd’hui, celle du monde postcolonial.
2C’est dans cette perspective, qu’il faut situer l’intérêt que les écrivains africains ont porté très tôt, dès avant la Grande Guerre, à la littérature orale et qui s’est manifesté sous la forme de nombreuses publications : recueils de textes, traductions, analyses, etc. Cette attitude répondait à une volonté de défendre et d’illustrer les langues et les cultures africaines, jusqu’alors occultées ou méprisées par l’Occident. Mais ce qui pouvait apparaître comme la manifestation d’un nationalisme culturel et que l’on retrouve dans le mouvement de la négritude, au cours des années trente, devait se heurter à trois obstacles principaux. Le premier tenait d’abord au fait que le colonisateur s’était lui-même intéressé depuis longtemps aux langues et aux littératures orales et cela venait brouiller ou affaiblir la dichotomie Afrique vs Europe sur laquelle reposait au départ cette attitude de résistance culturelle. Le second était constitué par les difficultés spécifiques que pouvaient rencontrer les écrivains pour publier des articles ou des ouvrages : dans la plupart des cas, il leur fallait passer par des structures éditoriales qui dépendaient du colonisateur, ce qui