La Litterature Maghrebine
Quant aux élites francophones, issues de la bourgeoisie citadine, elles ont pris conscience très tôt du fait colonial et du paradoxe flagrant entre les valeurs du siècle des lumières, prônées par l’école laïque et publique, et les réalités des « indigènes musulmans » soumis à une injustice économique, sociale et culturelle.
Les premiers écrits en langue française des Algériens étaient timides et croyaient encore au mythe de l’assimilation, même s’ils mettent l’accent, eux aussi, sur l’amère réalité des autochtones. Des textes comme Mamoun, l’ébauche d’un idéal de Chukri Khodja, Myriem dans les palmes de Mohamed Ould Cheikh ou Leila, la jeune Algérienne de Djamila Debbiche donnent une autre image de « l’indigène, de l’autochtone » prêt à s’émanciper, à se moderniser. Mais cette littérature n’a vraiment reçu ses lettres de noblesse qu’après la Seconde Guerre mondiale, et surtout après les massacres de mai 1945 et la radicalisation du mouvement national. Les années cinquante marquèrent un tournant décisif, tant au niveau politique que littéraire. Le Fils du pauvre de Mouloud Feraoun (1913-1962), publié à compte d’auteur à Alger en 1950, est un roman qui dit l’Algérie autrement, l’Algérie qui rêve de s’émanciper par l’école d’abord, avant de se lancer dans sa conquête d’indépendance. 1952 est l’année de la parution de La Colline oubliée de Mouloud Mammeri (1917-1989), roman d’une grande force littéraire. 1952, c’est aussi l’année de la parution de La Grande Maison de Mohamed Dib (1920-2003), premier volet de la trilogie Algérie qui raconte l’éveil du nationalisme algérien et de ce désir ardent d’en finir avec l’injustice coloniale. Ce fut la décennie d’or du roman algérien d’expression française. En 1956, ce fut la parution de Nedjma de Kateb Yacine (1929-1989), roman moderne par excellence, mais aussi roman engagé, roman de combat et d’amour, mêlant réalisme et lyrisme, prose et poésie Nedjma marque l’apothéose du roman algérien d’expression française.