La logique et la psychologie
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In J. Dubucs & P. Lepage, dir., Méthodes logiques pour les sciences cognitives, Paris : Hermes, 1995, pp. 25-75. Repris dans D. Andler, dir., Introduction aux sciences cognitives, Paris : Gallimard, nouv. éd. 2004, pp. 31-405.
LOGIQUE, RAISONNEMENT ET PSYCHOLOGIE
Les rapports entre logique et raisonnement ont longtemps été fort étroits. Ce commerce s’était établi à l’abri de la digue que Frege, Husserl et leurs successeurs avaient érigée pour protéger la logique de la psychologie : discipline normative ayant pour objet la manière dont l’homme doit raisonner, elle était en droit à l’abri de toute espèce d’enquête empirique sur la manière dont les humains raisonnent en fait, ou sur la manière dont ils apprennent à le faire. Pour faire bref, on pourrait parler d’une « ancienne alliance » entre logique, raisonnement et antipsychologisme. Les psychologues, les pédagogues, les philosophes, les anthropologues et la sagesse commune, qui fournissaient mille témoignages sur la prévalence d’erreurs logiques et de modes de pensée illogiques ou alogiques, loin de faire peser une menace sur cette alliance, ne faisaient que renforcer sa légitimité. Elle était la gardienne d’un domaine particulier, celui de la rationalité. Plus délicate était apparemment la situation créée par la nécessité, dans les sciences et dans certains domaines de la vie pratique, de recourir à des procédures inductives. Le calcul des probabilités et la recherche d’une logique inductive furent les principales et efficaces ripostes. Il y aurait beaucoup à dire sur les difficultés rencontrées d’une part pour fonder le calcul des probabilités, d’autre part pour découvrir une logique inductive — et il faudra y revenir même dans le cadre restreint du présent article. Mais il est évident que la psychologie « réelle » du savant, de l’assureur, du médecin ou du chasseur primitif n’était pour rien dans ces difficultés : l’« alliance » dont nous parlons