la mare au diable
© Éditions Gallimard, 1973.
Ceux qui sont capables de lire George Sand sans parti pris, et qui savent avec quelle justesse elle a parlé des Contemplations, des Chansons des rues et des bois ou de L'Éducation sentimentale, sont convaincus de la lucidité de son regard critique.
En 1852, parut une édition populaire illustrée de ses romans, pour laquelle elle rédigea des notices. La notice de La Mare au Diable mérite de retenir notre attention. « Je sais mieux que personne à quoi m'en tenir sur mes propres desseins », y est-il dit d'une façon péremptoire... « Je n'ai voulu ni faire une nouvelle langue, ni me chercher une nouvelle manière. »
Pourquoi alors tant de commentateurs ont-ils affirmé que le cycle inauguré par La Mare au Diable représentait une nouvelle manière ? On devine aisément que ces bien-pensants se sentent soulagés. Ils savent gré à la militante de renoncer à la propagande socialiste pour en venir à la pratique inoffensive de l'idylle rustique. Mieux encore : on assisterait dans le roman même à cette mue. Les erreurs passées, grâce à Dieu, ne s'étendent pas au-delà du Prologue. Sainte-Beuve qui, à lire cette Préface, éprouvait quelques craintes:
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Préface
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« Je tremble toujours quand je vois une idée philosophique servir d'affiche à un roman », et qui surtout condamnait comme déclamatoires les apostrophes ou allusions aux oisifs, n'a plus, quand l'idylle commence, qu'à louer et s'émerveiller. G. Sand semble donc s'affranchir de l'influence néfaste de Leroux, pour s'en tenir, sinon à des berquinades, du moins à la voie bien tracée de la culture classique, à l'imitation de Virgile ou de
Théocrite. Cette réaction bien-pensante est absurde.
Non seulement on ne peut opposer roman socialiste et roman champêtre ou berrichon; mais encore, comme l'observe nettement P. Salomon, « c'est par le socialisme que G. Sand a été conduite au roman champêtre; sans
P. Leroux, il n'y aurait probablement