La melancolie
catherine podguszer "- Que faites-vous du matin au soir?
-Je me subis."
Cioran
La mélancolie, forme aggravée de la dépression, est une atteinte profonde du désir, un état de mort psychique. Accompagnée d'une sensation de perte du Moi, d'un exil permanent et d'une usure insidieuse de la vitalité et de l'enthousiasme, la mélancolie est une dégradation continue de soi, insidieuse et semblant irrémédiable. C'est "une désespérance au-delà de la désespérance"[1].
L'état mélancolique est une forme de désespoir, "non de la chose investie, de l'imaginaire, de l'image; c'est le deuil de l'investissement lui-même", dit R. Barthes. C'est le désinvestissement de la vie…
"Il est des nuits que le plus ingénieux des tortionnaires n'aurait pu inventer. On en sort en miettes, stupide, égaré, sans souvenirs ni pressentiments, et sans même savoir qui on est. Et c'est alors que le jour paraît inutile, la lumière pernicieuse, et plus oppressante encore que les ténèbres."
Cioran, De l'inconvénient d'être né.
Le (la) mélancolique se meurt lentement dans un monde en dehors du temps, infiniment long… et lent, un monde de solitude, indicible. Un désert affectif sans horizon, là où "le soleil noir" ombre seul la grisaille. Dans ce monde asséché par la tristesse, la personne mélancolique se sent d'autant plus incapable de vivre qu'elle reste fixée inconsciemment à une image idéale d'elle-même et des autres. En retour elle se vit, consciemment, comme "minable" ou "pas à la hauteur". Le sentiment de perte est confondu à celui de renoncement.
"Je ne suis rien. Jamais je ne serai rien.
Je ne puis vouloir être rien. Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde."
Fernando Pessoa, Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes.
La mélancolie prend véritablement corps dans l'atmosphère ambiante du moment, ou parfois d'avant, la conception même du futur enfant; tant sur le plan de sa propre histoire et de son développement, que sur ceux de