La montée de la philosophie analytique
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8 pages
LA MONTÉE DE LA PHILOSOPHIE ANALYTIQUE EN FRANCE On ne pourrait comparer la querelle qui a pris jour en juin 2011, dans Le Nouvel Observateur, autour de Claudine Tiercelin suite à son élection au Collège de France, qu’avec celui, plus traditionnel, des trois F (Faye-Fédier-Farias) qu’on associe avec Heidegger, ou encore avec la surexcitation intellectuelle autour d’un physicien de New York University (Alan Sokal) et d’un physicien français (Jean Bricmont) qui, non sans un certain Schadenfreude, prétendaient avancer des thèses tirées (horreur !) de Deleuze, Foucault, Derrida et même de Bergson. Je note qu’en contraste avec Bergson, il reste parfaitement acceptable entre les chercheurs « établis » de citer Bachelard. Les chercheurs « établis » jouissent d’un imprimatur certifiant que seulement eux, et personne d’autres, font du « bon » travail : ce sont ceux qui se reconnaissent par leur adulation méticuleuse de la science (physique, informatique, science cognitive, etc.), et par leur « foi » en Darwin, donc par leur adhésion à l’église de la science comme religion : il est important d’y croire. Ils seraient opposés par les « hérétiques » (mot ironique précisé par Bourdieu, et non sans une certain résonance avec la science révolutionnaire chez Thomas Kuhn) qui questionnent cette foi, ou même par ceux qui, consultant l’histoire actuel des recherches de Darwin, signalent une différence (herméneutique,
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Babette Babich
il faut le dire) entre ce que Darwin a vraiment dit et l’état actuel de la science de l’évolution. Dans ce qui suit, j’ai moins affaire avec le cas Sokal (quoiqu’il serait important et encore dangereux d’en parler) qu’avec la conviction qu’un certain style de philosopher détient un brevet sur la rationalité et que tout autre style doit être combattu comme irrationnel. C’est dans ce « tout autre » qu’on place Nietzsche et ceux qui le suivent, en particulier et principalement Heidegger. Ce premier style, la philosophie analytique, est une