La montée de l'extrême droite en france
De la victoire de la gauche à la percée de l’extrême droite : l’ethnicisation du jeu électoral français
Alec G. Hargreaves
Lorsque la gauche arrive au pouvoir en 1981, elle le fait sur la base d’un programme qui, en promettant de rompre avec le capitalisme, conçoit l’évolution de la France en termes de rapports entre différentes classes sociales. Trente ans plus tard, il serait à peine exagéré d’affirmer que les élections présidentielles et législatives de 1981 ont été les dernières à avoir été dominées aussi clairement par cette problématique, qui a été largement effacée ou tout au moins camouflée ensuite par un processus d’ethnicisation braquant le projecteur sur des différences, présumées ou réelles, entre natifs et immigrés 1 . Le terme « ethnie » et ses dérivés, axés autour de la notion de différences d’origine, sont peu employés en France, où la domination d’un discours « républicain » prônant l’unicité de la nation a longtemps freiné l’emploi d’outils conceptuels reconnaissant ouvertement les différences ethniques 2 . En d’autres termes pourtant, ces différences sont depuis les années 1980 massivement présentes dans les discours politiques et scientifiques en France, où les mots « immigration », et « banlieues » ont servi de facto comme quasi synonymes pour la présence d’importantes différences ethniques découlant des flux migratoires et leur enracinement durable au sein de la société française. 3 Quels que soient les termes employés sur le terrain, la mise en avant de distinctions présumées ou réelles entre des populations perçues comme autochtones et d’autres perçues comme allogènes constitue un processus d’ethnicisation des rapports sociaux qui est à l’œuvre dans pratiquement toutes les élections depuis la percée du Front