La mort au théatre
L'essence du tragique tient-il à la monstration de la mort sur scène ?
De quel côté sommes-nous, avant même que l’elle produise son effet sur nous ?
Le sens de la cérémonie tragique est-il dans le réalisme de la représentation (du sang sur scène) ou dans une esthétique de la sobriété et de la distance ? I LA DEFICIENCE DE TOUTE REPRESENTATION DE LA MORT SUR SCENE En ce point, nous ne nous sommes guère encore avancés au-delà du domaine des passions ou de leur apaisement. Mais nous reconnaissons dans les héritages grecs et baroques des clés de lecture pertinentes. Loin d’être simples, elles restent susceptibles de se croiser dans l’expérience du même spectateur. Pour aller plus avant, considérons maintenant l’artifice qui consiste à représenter (schaustellen, vorstellen) un événement. La mort d’un homme, quel qu’il soit – même s’il n’est pas reconnu comme Messie ou confessé Fils de Dieu – demeure un événement unique, à peine accessible au récit. Nous ignorons tout de la mort, sauf qu’elle est pour chacun et de manière certaine la possibilité non encore advenue du terme imposé à toute possibilité. Face à ce terme, que signifie représenter ? L’artifice du théâtre antique et classique consistait dans l’imitation et la vraisemblance, mais ni la mort, ni la mutilation n’avaient lieu sur la scène : ce réalisme répugne au grand théâtre qui sait sa limite dans la représentation.