La mort
La mort est omniprésente dans Les Fleurs du Mal, sans cesse évoquée, tantôt souhaitée avec force, tantôt redoutée avec angoisse. Représentée par de nombreuses allégories*, toutes empruntées à la tradition médiévale, la mort revêt pour Baudelaire des visages changeants. Étudier le thème de la mort dans ce recueil, c'est donc plonger au coeur même de l'ambiguïté baudelairienne. La mort est d'abord présente, de manière grotesque, sous la forme du cadavre grouillant de vers et exhibant l'atrocité de sa décrépitude. Au-delà de ces images choquantes mais classiques, la mort est aussi perçue comme un any where out of the world, un lieu hors du monde qui ouvrirait des perspectives nouvelles et pleines d'espoir. Mais elle est simultanément la cause de l'angoisse, du spleen, du doute : la mort fait-elle accéder à un monde meilleur ? Enfin, Baudelaire est certai-nement le premier poète du XIXe siècle à avoir fait de la mort non seulement un thème de sa poésie mais encore le fondement de toute son esthétique.

A. Obsession du cadavre
Le cadavre est une des figures les plus caractéristiques et récurrentes des Fleurs du Mal. Le vers 20 de « Danse macabre » (97) est à ce titre on ne peut plus explicite :
Tu réponds, grand squelette, à mon goût le plus cher.
Cette figure se rencontre dans de nombreux poèmes, tels « Une charogne » (29), « Une gravure fantastique » (71), « Le Mort joyeux » (72), « Le Squelette laboureur » (94), « Danse macabre »
(97), « Une martyre » (110) et « Un voyage à Cythère » (116). Tous ces poèmes ont en commun de présenter des allégories* de la mort sous l'apparence de cadavres et de squelettes hideux. De plus, toutes ces allégories* sont excessives, outrées, délibérément hor-ribles, grotesquement atroces. Encore faut-il d'abord préciser que cette figure du cadavre effrayant était très en vogue dans la poésie des années 1850. À l'origine de cette mode, on trouve Théophile Gautier, dont le recueil La Comédie de la mort, paru en 1838, décrit de