La méditerranée comme « limes »
Trop souvent, la Méditerranée est appréhendée comme « Mare Nostrum » pour être l’objet de discours lyriques surannés. Pourtant, cette représentation tout à la fois restreinte et unitaire est en décalage avec l’histoire de longue durée, la géoéconomie mondiale et les dynamiques géopolitiques. C’est dans le cadre d’une « plus grande Méditerranée », bien au-delà des limites du Bassin méditerranéen, qu’il nous faut raisonner. Cette « grande Méditerranée » est composée de parties antagoniques et elle forme aussi un sous-ensemble de l’« Océan Mondial ». Pour les puissances européennes et occidentales, elle constitue un «limes » sur lequel il faut être présent et actif.
La “plus grande Méditerranée”
Il faut en tout premier lieu insister sur le fait que la « plus grande Méditerranée », la « Méditerranée élargie » de ce colloque, ne se limite pas aux pays riverains du Bassin méditerranéen comme pourraient le laisser à penser le Processus de Barcelone et l’Union pour la Méditerranée (UpM). Songeons simplement à la géohistoire de Fernand Braudel ou aux travauxgéopolitiquesd’Yves Lacoste. La « plus grande Méditerranée » est une espace-mouvement, c’est à dire un espace dynamique dessiné les phénomènes de circulation. Il inclut les approches atlantiques de la Méditerranée et englobe le Moyen-Orient via les flux à travers le canal de Suez et l’isthme syrien. Enfin, la mer Noire et les axes qui, à travers le Caucase, mènent au Bassin de la Caspienne, participent aussi de cet espace-mouvement.
Ces différents régions antagoniques sont reliées entre elles par des flux d’échanges et de menaces, la « plus grande Méditerranée » recouvrant ou faisant intersection avec des zones essentielles à la sécurité de l’Europe. Outre les espaces maritimes très empruntés, il en est ainsi de l’Afrique du Nord et de son hinterland sahélo-saharien, du Proche et Moyen-Orient, de la Turquie et du Sud-Caucase enfin, ceux-là formant une « passerelle