La negritude
Depuis les indépendances africaines la Négritude a subi tant d'avatars que l'on a tendance aujourd'hui à abandonner ce terme comme un vêtement usé qui a trop servi. Et, certes, Senghor lui-même y est pour beaucoup. Par l'usage excessif qu'il en fit. Par sa promotion-transformation du concept de négritude en véritable idéologie, non seulement projet culturel mais projet de société, et, comme l'avanceront certains, alibi politique. Les gloses du président furent là-dessus surabondantes elles offrirent à ses adversaires une excellente cible pour le critiquer ! Le fait d'avoir été imitée par des maladroits ou des grotesques n'a point aidé non plus à asseoir cette philosophie politique nouvelle qu'était devenue la négritude. Les intellectuels africains sont sans pitié ! Nés du Mouvement de la Négritude qui leur donna fierté, confiance et combativité, des professeurs d'université comme Marcien Towa, P. Hountondji, Pathé Diagne, Tidjani Serpos, Stanislas Adotevi, Cheikh Anta Diop (pour ne citer que les plus importants) emboîtèrent le pas à Wolé Soyinka le Nigérien qui avait déclaré : « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il saute sur sa proie et la mange». La Négritude comme idéologie fut donc battue en brèche par de nombreux mémoires dont les plus importants furent Négritude et Négrologues (éd. 10/18) et Négritude ou Servitude (éd. Clé, Yaoundé). Et bien entendu chaque critique littéraire actuel (Mouralis, Hausser, Steins) développe ses réticences lorsqu'il aborde le lion devenue vieux, et chacun y va de son coup de pied de l'âne. La Négritude fut un concept opératoire pourtant, s'il en fut, et qui ne cesse de renaître sous d'autres formes et à d'autres niveaux. Le terme est rejeté, mais on récupère les contenus. Qu'est-ce que l'attitude du professeur Jeffreys (USA) qui enseigne l'Afrocentrisme et le rattachement à la civilisation de l'Egypte noire ? Qu'est-ce que le choix de certains architectes africains d'un style « soudanais » pour des