La passion est-elle destructrice ?
Introduction
Une lettre déchirée, un visage marqué par les rides de la rancune ou de l’amour déçu : les effets destructeurs de la passion semblent bien visibles, sur les êtres comme sur les choses.
Bien sûr nous ne pouvons imaginer un visage sur lequel la passion n’aurait laissé aucune trace, et nous détruisons sans même y penser les lettres qui n’ont aucun contenu affectif. En vivant nous nous ouvrons à l’expérience passionnelle, nous la recherchons même ou cherchons à la conserver. Mais quand la passion se transforme et devient insupportable, quand l’amour devient une croix, quand l’affection se mue en colère, alors nous nous demandons pourquoi nous les avons accueillis ou voulus. Est-ce que la passion nous dévoile alors son propre visage ? Ce n’est pas sûr : elle peut aussi bien n’être destructrice que par accident, dans la mesure où nous n’avons su vivre ni sans elle, ni avec elle. Ou peut-être notre faute est-elle de la croire destructrice alors qu’elle ne l’est pas vraiment : « on » s’en remet… Bref, la passion est elle destructrice en elle-même, ou apparaît-elle ainsi pour ceux qui ne savent pas vivre ?
I. La Passion n’est destructrice qu’en apparence
A. Il ne faut pas assimiler la passion à son usage destructeur
Certaines passions, telles la joie ou l’amour, nous incitent à chérir leurs objets et à les protéger. Mais d’autres semblent pousser à la destruction : sous l’emprise de la jalousie ou de la colère, nous saisissons un vase chinois et le jetons sur le sol. Au milieu des débris de faïence, nous affirmons encore qu’il nous fallait bien détruire quelque chose : c’était toi, ou moi, ou le vase…
Mais cette justification est elle-même bien passionnée ! Le vase, dans sa malchance canonique, se trouvait sur le chemin de notre mouvement passionnel. Mais nous pouvions détruire autre chose ou faire autre chose que de détruire : tenter de surpasser notre rival, écrire un poème d’amour… Si la