La pest
Première partie
Oran, un jour d'avril 194. , Oran est une ville ordinaire et rien de plus qu’une préfecture française de la côte algérienne.
La cité elle-même est laide. C’est une ville sans pigeons, sans arbres et sans jardins, où l’on ne rencontre ni bat-tements d’ailes ni froissements de feuilles, un lieu neuter. Le printemps s’annonce seulement par la qualité de l’air ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramènent des banlieues ; Pendant l’été, le soleil incendie les maisons trop sèches et couvre les murs d’une cendre grise ; En automne, c’est, au contraire, un dé-luge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver. Les concitoyens travaillent beaucoup, mais toujours pour s’enrichir. Ils s’intéressent surtout au commerce et ils s’occupent d’abord, selon leur expression, de faire des affaires. Ce qui est plus original dans cette ville est la difficulté qu’on peut y trouver à mourir. À Oran, les excès du climat, l’importance des affaires qu’on y traite, l’insignifiance du décor, la rapidité du crépuscule et la qualité des plaisirs, tout demande la bonne santé. Un malade s’y trouve bien seul. Arrivé là, on admettra sans peine que rien ne pouvait faire espérer à nos concitoyens les incidents qui se produisirent au printemps de cette année-là et qui furent, nous le comprîmes ensuite, comme les premiers signes de la série des graves événements dont on s’est proposé de faire ici la chronique.
Le docteur Rieux découvre le cadavre d'un rat sur son palier. Le concierge, monsieur Michel, pense que ce sont des mauvais plaisants qui s'amusent à déposer ces cadavres de rats dans son immeuble. A midi, Rieux accompagne à la gare son épouse qui, malade, part se soigner dans une ville voisine. Près de la sortie, sur le quai de la gare, Rieux heurta M. Othon, le juge d’instruction, long et noir, et qui ressemblait moitié à ce qu’on appelait autrefois un homme du monde, moitié à un croque-mort.
L’après-midi du même jour Rieux reçut un