La philosophie nous détache-t-elle du monde
Introduction
• Le langage commun a emprunté à la philosophie nombre de ses termes. Ainsi en est-il de mots tels que sceptique, cynique, stoïque, etc., qui désignent dans ce langage commun essentiellement une attitude particulière à l'égard de la vie; c'est aussi le cas des mots mêmes de " philosophe " ou de " philosophie " lorsque l'on dit de quelqu'un : " il prend les choses avec philosophie " ou " c'est un philosophe ", entendant par là une conduite qui consiste à se désengager du monde, à s'en détacher.
• La question se pose donc de savoir si la philosophie nous détache ou non du monde, à moins qu'elle ne soit paradoxalement ce qui nous détache du monde pour nous y attacher plus fortement.
1. La philosophie comme détachement
On connaît la célèbre mésaventure survenue au philosophe Thalès, que nous ont rapportée Platon (Théétète, 174 a) et Diogène Laërce : Thalès, étant sorti de chez lui pour contempler les astres, tomba dans un puits. " Comment, lui demanda en se moquant une vieille femme qui passait par la, Thalés, toi qui n'es pas capable de voir ce qui est à tes pieds, t'imagines-tu pouvoir connaître ce qui est dans le ciel ", Cette anecdote nous dépeint &emdash;de façon caricaturale certes&emdash;le philosophe comme celui qui, plongé dans ses méditations et sa contemplation d'un autre monde, se détache du monde dit " réel " jusqu'à l'oublier. Mais quel est le vrai sens de ce détachement ?
a) Se détacher des fausses valeurs mondaines
• Diogène le cynique, qui pour toute maison avait un tonneau, s'appliquait à mépriser systématiquement les valeurs établies : gloire, honneurs, argent, mariage, position sociale, etc. La philosophie, pour Diogène, est ce qui nous détache du monde en ce sens qu'elle nous permet de ramener certaines valeurs à leur juste valeur, c'est-à- dire à une valeur à peu près nulle. Semblablement, Épicure conseillait de " vivre caché " pour ne