La poesie est elle utile?
René Char, un des rares écrivains du 20e siècle à s’être spécialisé dans le genre poétique et à s’y être toujours tenu, donne à la poésie des pouvoirs et des missions, notamment celle de « transformer les vieux ennemis en loyaux adversaires ». Faut-il, comme René Char, que la poésie soit utile, ait une place à revendiquer, et un rôle à jouer dans la vie des gens ?
Pour y répondre, nous verrons d’abord qu’au sens strict, la poésie est une œuvre sans but, une technique sans fin, si ce n’est elle-même, et ce d’autant plus que bien des choses –sa forme artificielle par exemple- l’éloignent du réel ; pour autant la poésie a su utiliser sa forme inhabituelle et mettre ses possibilités multiples au service du combat politique, et devenir d’utilité publique en somme. Enfin, il n’y a pas que l’utilité et la noblesse des grandes causes : la poésie peut supporter des ambitions modestes mais pas moins valeureuses : en tant que vecteur de sens, en tant qu’affirmation d’un réel quotidien et concret, elle peut tout simplement servir de témoin et aider à vivre.
La poésie, pourrait-on objecter à René Char, ne vise pas forcément à transformer quelque chose d’extérieur à elle ; si transformation il y a, c’est d’abord souvent d’elle-même. Le genre poétique est en effet un genre complexe, qui joue sur les écarts par rapport au langage normal, et s’appuie sur une forme artificielle : en vers, avec des rimes (pour la poésie versifiée, au sens traditionnel du terme), avec des façons de dire détournées car imagées (métaphores, comparaisons, etc.).