Ce dialogue entre Mlle de Chartres et M. de Clèves se situe à un moment qui semble correspondre à une pause, à un temps mort dans l'action du roman. Il a lieu, en effet, dans les semaines qui précédent le mariage de Mlle de Chartres et de M. de Clèves, et alors que tous les problèmes sont réglés et que l'on n'attend plus que la cérémonie, puisque le contrat a été signé, que le roi a été informé et ne s'y est pas opposé, et que la nouvelle a été rendue publique, comme Mme de Lafayette nous l'a appris dans la phrase qui précède notre extrait : « Les articles furent conclus, on parla au roi, et ce mariage fut su de tout le monde [2] ». Ce dialogue, que Mme de Lafayette va nous présenter comme un des échantillons des dialogues quasi quotidiens qui ont lieu entre les deux jeunes gens, est destiné à faire le point d'une manière aussi précise que possible sur leurs sentiments respectifs à la veille de leur mariage [3]. Si M. de Clèves s'apprête à faire un mariage d'amour, il en va tout autrement pour Mlle de Chartres qui ne fera, elle, qu'un mariage de raison. M. de Clèves le sent fort bien, et cela altère profondément la joie que lui donne le fait de pouvoir enfin épouser celle qu'il y a peu de jours encore, il croyait ne pouvoir jamais épouser.
....Dans un premier paragraphe, qui constitue une sorte d'introduction, la romancière nous dit l'insatisfaction de M. de Clèves qui, presque tous les jours, adresse ses plaintes à sa future femme. Celle-ci, bien sûr, essaye de lui répondre et le corps de notre texte va être constitué par un de ces dialogues de sourds auxquels donnent lieu à chaque fois les plaintes de M. de Clèves. Dans la première réplique, M. de Clèves se plaint de la profonde indifférence de Mlle de Chartres. Elle proteste et essaie alors de justifier sa réserve en se retranchant derrière la bienséance. Mais M. de Clèves retourne contre elle cet argument, en lui disant que, si elle se montre un peu aimable avec lui, c'est seulement parce qu'elle croit ne