La république
Introduction
Quels rapports l’art entretient-il, malgré toutes les conventions qui le structurent, avec le réel ? Cette question fait remonter aux premières théories artistiques énoncées par les Grecs, lorsque Platon chasse les poètes de la cité parce qu’ils mettent en scène de puissants tyrans et que ces représentations artistiques peuvent induire en erreur les citoyens ; ou lorsque le même Platon élève le peintre Zeuxis au premier rang parce que les oiseaux, rapportait une fable, venaient picorer les grains de raisin qu’il dessinait. L’art est-il une mimesis, comme le disaient les Grecs, une imitation du réel ? Ou le réel présent dans l’art est-il le fruit de rapports infiniment plus complexes que la simple copie ?
Le théâtre, selon Giraudoux, se débat entre deux écueils, le réel et l’irréel : « C’est très simple, cela consiste à être réel dans l’irréel. » Cette réflexion faite sur le genre théâtral peut aisément s’applique à tous les genres littéraires. L’art est évidemment fait d’irréel, il n’est pas besoin d’y insister longuement : personnages qui n’ont de chair que celle que le papier leur confère, cohérence dramatique de leurs destins, langue écrite et non parlée, en vers, etc. Mais au sein de cet irréel, il peut exister une apparition du réel, et, selon Giraudoux, c’est ce qui fait la valeur de l’art.
Comment, donc, le réel peut-il se manifester dans l’irréel, et comment ce mélange confère-t-il précisément sa valeur à la littérature ? On examinera trois points de rencontre entre réel et irréel : en premier lieu l’irréalité permet de conférer un poids spécifique aux apparitions du réel par un système de contrepoint ; elle peut également renvoyer au réel par un travail critique ; enfin, toute œuvre, aussi fantaisiste soit-elle,