La révolution post-islamique
Mais si l'on regarde ceux qui ont lancé le mouvement, il est évident qu'il s'agit d'une génération post-islamiste. Les grands mouvements révolutionnaires des années 1970 et 1980, pour eux c'est de l'histoire ancienne, celles de leurs parents. Cette nouvelle génération ne s'intéresse pas à l'idéologie : les slogans sont tous pragmatiques et concrets ("dégage", "erhal") ; il ne font pas appel à l'islam comme leurs prédécesseurs le faisaient en Algérie à la fin des années 1980. Ils expriment avant tout un rejet des dictatures corrompues et une demande de démocratie. Cela ne veut évidemment pas dire que les manifestants sont laïcs, mais simplement qu'ils ne voient pas dans l'islam une idéologie politique à même de créer un ordre meilleur : ils sont bien dans un espace politique séculier. Et il en va de même pour les autres idéologies : ils sont nationalistes (voir les drapeaux agités) mais ne prônent pas le nationalisme. Plus originale est la mise en sourdine des théories du complot : les Etats-Unis et Israël (ou la France en Tunisie, qui a pourtant soutenu Ben Ali jusqu'au bout) ne sont pas désignés comme la cause des malheur du monde arabe. Même le pan-arabisme a disparu comme slogan, alors même que l'effet de mimétisme qui jette les Egyptiens et les Yéménites dans la rue à la suite des événements de Tunis montre qu'il y a bien une réalité politique du monde arabe.
Cette génération est pluraliste, sans doute parce qu'elle est aussi plus individualiste. Les études sociologiques