la schizophrénie
Samedi. Il faisait bien noir à l'extérieur. Ça, c'est parce qu'on est le soir, grande tarte. J'étais dans la troisième plus grande des cinq chambres constituant mon domicile. Cette pièce était le seul endroit de la maison que je pouvais vraiment considérer comme mien. Mes parents n'y venaient jamais, ils se contentaient de cogner à ma porte en m'informant qu'ils quittaient ou que le repas était servi.
J'avais repeint ma chambre moi-même d'un bleu-gris assez clair. Trois meubles de bois anciens appartenant à ma grand-mère étaient disposés dans la pièce et malgré leur âge, ils avaient l'air flambant neuf et dégageaient un luxe indémodable. Ma chambre ne compte qu'une seule fenêtre qui commence au ras du sol et s'élève jusqu'en-haut du plafond. Le large rebord de la fenêtre est mon endroit favori. En dessous d'un monticule de coussin, une vieille latte de bois branlante se cache. On peut facilement la soulever et voir ce qui se trouve en dessous du plancher. Ce n'est rien d'intéressant, croyez-moi, ce n'est que vieux et poussiéreux. Pourtant, c'est l'élément que je préfère. Je peux y mettre n'importe quoi sans même craindre que la femme de ménage le découvre. Cette saleté de bonne joue le rôle d'agent double à temps partiel à la solde de mes parents. Par contre, elle n'a jamais rien à rapporter à ses patrons, parce qu'elle ne trouve jamais rien. Je suis trop maligne pour me laisser faire. Mais tu trompes personne ici, ma grande.
Maman et papa étaient partis à un souper au Muscadin avec des collègues de mon père un quart d'heure auparavant. Par la suite, ils iraient probablement à une soirée organisée par l'entreprise de papa. Bande de bourgeois. Ils allaient revenir très tard, peut-être même allaient ils dormir à l'hôtel. J'avais donc verrouillée à doubles tours chaque portes menant à l'extérieur de mon domicile, tout en prenant soin de placer une chaise en équilibre au-dessous des poignées. J'avais aussi fermée les rideaux de toutes les fenêtres