La scolarisation des filles au frein du developpement
DOSSIER
72 Philosophie et politique en Afrique
Pierre Nzinzi
La démocratie en Afrique : l’ascendant platonicien
Cet article soutient l’idée que la démocratie en Afrique se développe sous le signe d’un « néoplatonisme » politique qui se caractérise par le primat de la forme sur le contenu et dénie la souveraineté du peuple. L’obstacle démocratique aurait ainsi un fondement culturel, mais qui ne serait pas spécifiquement africain. Il appartiendrait au contraire au vieux fonds platonicien, antihumaniste, que partagent les pouvoirs africains et leurs soutiens occidentaux.
Démocratie ou démocratisme ?
Issue de la philosophie des Lumières, la démocratie libérale est, en son sens propre, une idéologie du respect de la personne humaine, d’abord dans ses droits et ses choix fondamentaux, puis récemment dans sa dignité 1. Rationaliste et humaniste, elle lui fait confiance, jusque dans ses erreurs; si bien que la grossièreté des essais démocratiques 2, loin d’inciter à la fermeture du jeu démocratique, devrait plutôt le laisser ouvert. Dans un titre à grand succès, Fukuyama 3 a cependant choisi de présenter la démocratie libérale sous un autre angle, fermé, celui de l’aboutissement de l’«évolution idéologique de l’humanité». Or, la démocratie est en train de connaître des développements inédits en Afrique, où son utilisation par les forces conservatrices semble aboutir à l’invention de ce que l’on pourrait appeler «démocratisme», idéologie dans la plénitude de sa «puissance de réalisation» (Lyotard), c’est-à-dire dans son lien originaire avec les pratiques matérielles, en l’espèce avec l’exercice et la conservation du pouvoir. Ainsi dégradée en «démocratisme», la démocratie a perdu tout son potentiel révolutionnaire hérité des Lumières. Instrumentalisée, elle n’est plus qu’une idéologie devant permettre la conservation des positions dominantes acquises, dans un contexte nouveau, marqué par la dénaturation des pres-
Politique africaine n° 77 - mars