La Sexualite Feminine Andre Jacques
La sexualité féminine
JACQUES ANDRE
Psychanalyste
Membre de l'Association psychanalytique de France
Professeur à l'Université Paris VII
Quatrième édition
16e mille
Introduction
Elle s’appelle Lélia, est une des héroïnes de George Sand et une digne représentante de ces personnages des romans de femme du xixe siècle : « Je me dévouais en pâlissant et en fermant les yeux. Quand il s’était assoupi, satisfait et repu, je restais immobile et consternée, les sens glacés. » La sexualité est la chose des hommes, aux femmes restent le sacrifice et la frigidité, ou le plaisir feint.
Au regard des représentations de la « femme d’aujourd’hui », celle pour qui la satisfaction sexuelle s’inscrit comme une hygiène nécessaire entre jogging et bodybuilding, Lélia et ses compagnes font figure de vestiges. Ce qu’il est convenu d’appeler la « libération sexuelle » a principalement concerné les femmes, dans une moindre mesure les hommes. Au temps des « Lélias » en effet, les hommes disposaient des possibilités de contourner l’austérité conjugale – ce qui supposait une catégorie de femmes, de la prostituée à la maîtresse, échappant à la mise au pas « victorienne » de la sexualité. Les indices de l’actuelle libération de la sexualité des femmes sont aisément repérables : la désuétude du tabou de la virginité ; une distinction qui n’est plus rare des vies sexuelle et conjugale ; un allongement de la vie sexuelle, en amont vers l’adolescence (avec l’éventuelle complicité des parents), en aval après la ménopause ; la possibilité pour le désir féminin de prendre les devants – au risque de se « heurter » au fiasco des hommes, ce que Stendhal savait bien avant la psychanalyse ; et, point essentiel, la dissociation de la sexualité et du risque de grossesse, dissociation permise par la contraception et la légalisation de l’avortement.
Le psychanalyste, lui aussi, constate ce véritable bouleversement des représentations sociales de la sexualité et des comportements