La technique dans l'art
Or il est indéniable que l'artiste a besoin d'une technique. Il y a de la technique dans l'art. On n'a pas à opposer l'artiste à l'artisan. L'artiste est un artisan: il est confronté lui aussi à une matière, comme la pierre pour le sculpteur, qui ne se laisse pas façonner sans résistance, que l'on ne peut conformer à un projet que grâce à de la technique. C'est pourquoi l'artiste doit se livrer à un travail technique. On peut même dire que le travail de l'artiste comporte une part purement technique, peut-être la plus rébarbative, et qui rebute le débutant. En effet, le musicien doit développer l'agilité de ses doigts, apprendre à enchaîner rapidement des mouvements qui ne sont pas naturels, même développer certains muscles. Pour cela, il doit s'exercer, c'est-à-dire répéter inlassablement les mêmes exercices - rejouer ses gammes, par exemple. De même, le chanteur doit travailler sa voix et son souffle.
Il est vrai que la technique ne doit pas se voir. Dans l'œuvre réussie, elle est masquée. L'édifice terminé, l'échafaudage ne doit plus se voir. On pourrait ainsi croire naïvement que l'art exclut la technique. Mais pour arriver à ce résultat que la technique soit invisible, il faut justement une technique parfaite. Dans la danse, on peut penser que la grâce et la technique s'opposent et s'excluent. La danseuse qui semble forcer, qui semble accomplir ses mouvements avec peine, paraîtra manquer de légèreté. Mais c'est seulement grâce à un patient travail technique qu'elle peut arriver à donner l'impression de la facilité. C'est à ce trait que l'on juge l'artiste accompli: il donne le sentiment de créer avec facilité et sans effort. Mais les gestes ne donnent cette impression que lorsqu'ils sont devenus automatiques. Le musicien débutant peine sur son instrument, tandis que les doigts du virtuose glissent et volent sur le manche de sa guitare. Une technique bien maîtrisée donne une impression de naturel, mais c'est trompeur, car les gestes