La technique.
Faut-il définir l’homme comme cet animal vulnérable et démuni qui n’a pu survivre que grâce à la fabrication « d’objets artificiels » ? La technique ne fait-elle qu’imiter la Nature ? Ou bien une technique fondée sur la connaissance rationnelle des lois de l’Univers peut-elle nous rendre « maîtres » du monde ? La technique de l’âge industriel est-elle, par essence, « aliénante » ? Ou manifeste-t-elle l’être caché de la Nature ? Est-elle un mode d’accès à la vérité ? Dans le mythe de Protagoras (320c-322d), Platon raconte comment Épiméthée ( « celui qui réfléchit après coup ») voulut se charger, tout seul, de la répartition convenable des aptitudes naturelles nécessaires à la survie des êtres vivants : il s’efforce de respecter un juste équilibre des qualités (compensant la faiblesse par la rapidité, ou encore le manque de défense par la fécondité) afin « d’égaliser les chances » et d’assurer « une sauvegarde des espèces ». Mais la distribution terminée, il s’aperçoit qu’il reste l’homme « tout nu, pas chaussé, dénué de couvertures, désarmé ». Alors son frère, Prométhée, dérobe à Héphaïstos, le dieu forgeron et à Athéna « le feu, l’art de s’en servir » et « le reste des arts », c’est à dire la connaissance et l’habileté techniques et il en fait présent à l’homme : l’habileté technique, liée à l’intelligence, par opposition à la nature et à l’instinct, est un instrument universel qui permet toutes les inventions. Mais malgré les multiples développements de la technique, l’espèce humaine serait menacée dans sa survie si elle était inapte à la vie sociale, aussi Zeus lui fait-il cadeau de la moralité. Si l’art d’un seul technicien peut servir aux besoins d’un grand nombre d’hommes (d’où la division du travail et la spécialisation technique – Platon est parfaitement conscient de la liaison entre technique et organisation politique), il n’y aurait pas de cité possible, si tous les hommes ne participaient pas « au sentiment de l’honneur et à celui du droit