La théologie de la libération
Il convient d'abord d'établir la problématique de la théologie de la libération1 à partir de deux faits sur lesquels elle s'appuie: la maturation de la conscience politique dans le Tiers-Monde, comme ailleurs dans nos sociétés contemporaines, et son effet de sensibilisation sur les chrétiens.
1. En premier lieu, sous l'impact de plusieurs faits historiques, dont le développement des sciences et particulièrement des sciences sociales, un nombre de plus en plus considérable d'hommes seraient devenus conscients d'être sujets de l'histoire, de plus en plus engagés dans la transformation des structures sociales injustes et décidés à participer à la gestion politique. Ce fait témoignerait d'une nouvelle compréhension du politique comme dimension englobant toute l'activité humaine et non plus comme un secteur de la vie humaine, à côté de la famille, des loisirs et du métier.
En plus de cette vision englobante plutôt que sectoriale de «la chose publique», s'ajoute une conception plus démocratique ou populaire: la politique n'est pas une activité réservée à une petite partie de l'humanité, à une élite aux mains de laquelle reviendrait le gouvernement des peuples et toute la responsabilité politique. Elle serait plutôt le champ collectif de la réalisation de l'humanité, le lieu d'exercice de la liberté pour tous, majorités, masses populaires ou peuples. Et la politique dans son sens restreint, à savoir l'exercice du pouvoir, se situerait à partir de cette globalité de la chose publique.
Une telle conception de la politique n'ignore pas les autres dimensions de la vie, mais s'oppose à une compartimentation des activités qui risque de distraire les citoyens des conditions concrètes de leur vie. Par ailleurs, le développement des sciences sociales a permis d'identifier les causes de l'aliénation des masses, les mécanismes du système capitaliste, enfin de prendre conscience des facteurs aussi bien économiques que socio-culturels qui