la théorie du don
Mensuel N° 198 - novembre 2008
Les neurones expliquent-ils tout ?
La théorie du don en débat
Nicolas Journet
Depuis 1924, l’« Essai sur le don » de Marcel Mauss entretient un débat sur l’origine et les formes des échanges dans les sociétés humaines.
Lorsqu’en 1924, Marcel Mauss achève de faire paraître l’« Essai sur le don », il est sans doute loin de se douter qu’il vient de signer le principal texte auquel son nom restera attaché. Parmi ses nombreuses occupations – il vient de fonder l’Institut d’ethnologie de Paris –, la politique est au premier plan, soucieux qu’il est de trouver sa place dans le paysage divisé du socialisme français. Les deux cents pages de l’« Essai » reflètent une double préoccupation : celle de faire œuvre scientifique et de donner une leçon de morale sociale. Il s’agit pour lui de montrer que les échanges – et pas seulement la guerre – tiennent une place fondamentale dans les sociétés humaines, même les plus primitives. Pas n’importe quel type d’échange : il ne s’agit ni de commerce ni de troc, mais de coutumes solennelles par lesquelles des peuples de Mélanésie, de Polynésie et d’Amérique pratiquent des offrandes mutuelles. Parmi le vaste parcours ethnographique qu’opère l’« Essai », deux exemples retiennent particulièrement son attention.
Le potlatch est une coutume festive des Indiens de l’Alaska et de la côte pacifique nord-américaine, au cours de laquelle sont distribuées des quantités considérables de biens : nourriture, couvertures, armes et cuivres blasonnés. Considéré comme une bizarrerie nuisible par les colons blancs, le potlatch a la forme d’un défi lancé entre partenaires, d’autant plus marqué que les biens sont parfois ostensiblement détruits. Révélé au monde savant par les écrits de Franz Boas en 1889, le potlatch apparaît comme un acte à la fois absurde, provocant et grave, car la honte qui menace celui qui ne saurait rendre au moins la pareille est très redoutée. F.