LA TOILE PARLANTE

Moi aussi j’ai ressenti la peur, j’ai subi l’épouvante. C’était par un froid matin de décembre, voici maintenant un an. J’habitais à l’époque à Paris. J’allais sur ma trente-deuxième année, j’étais au début de ma carrière de peintre et j’étais marié à Jeanne. Mon appartement se situait en face de la Tour Eiffel et c’était la période des fêtes de fin d’année. Je n’aimais pas cette période, les gens dépensaient leur argent dans toutes sortes d’achats inutiles, on me demandait de peindre des toiles farfelues ou bien de peindre des toiles magiques. Et un matin, ma femme me réveilla brusquement pour me dire qu’un cher Mr Rousset voulait que je lui peigne une toile représentative de noël. Au moment où j’entendis ces paroles je me mis au travail. Le soir même le tableau était fini, je l’emballais quand j’entendis Jeanne, ma femme, me dire : « Pierre, Mr Rousset est déjà là ! » Je lui donnai donc le paquet et il partit. Deux jours après, devant ma porte je vis un paquet avec un mot qui disait : « Je voulais juste un sapin de noël, pas une toile maléfique ! » J’ouvris donc le paquet et m’aperçus que le tableau avait un point noir, ce point était dur. Je déposai la toile sur un chevalet et celle-ci dit : « Je serais mieux dans un fauteuil. » Mes yeux s’écarquillèrent, je fus énormément surpris. Devenais-je fou ? Je ne sais. J’appelai tout de suite Jeanne qui n’avait rien entendu et me croyais fou : « Ce sont les fêtes qui te rendent fou ? » J’aurais eu une hallucination. La toile parlait encore : « Je parle grâce à votre imagination. » La peur m’emportait. Ma femme qui n’avait toujours rien entendu me dit de boire un verre d’eau. Je n’arrivai plus à réfléchir. Mes jambes tremblèrent, mes mains étaient moites, ma femme me dit que je travaillais trop, mais, moi, j’en étais sûr, cette toile parlait