« La Vie imite l’Art bien plus que l’Art n’imite la vie ». Oscar Wilde, en prononçant cette phrase -dont la structure en chiasme rend nécessaire une petite gymnastique intellectuelle-, entendait déconstruire une idée reçue, ou plutôt d’une impression reçue : la vie est, intrinsèquement, belle. Héraut de l’esthétisme, mouvement artistique né en Angleterre à la fin du XIXème, Oscar Wilde adopte la « religion de la beauté », prenant la suite du Parnasse et de l’idée de l’ « Art pour l’Art ». Mais cette quête de beauté ne pourra aboutir si l’artiste se contente de décrire la réalité dans sa trivialité. Il faut d’ailleurs se résigner à l’idée qu’il ne peut y avoir de description : jamais l’Homme ne pourra voir le véritable visage de la Vie, qui se cache derrière le masque de l’Art. Il lui faut alors abandonner toute prétention à décrire le monde, et saisir la Vie en tant qu’elle imite l’Art, projeter à partir de soi la beauté du monde. La mimesis d’Aristote et de Platon est bel et bien une illusion : si nous voyons de la beauté dans les œuvres se voulant réalistes, celle-ci provient de l’artiste, non de la chose elle-même. La chose, en soi, n’est jamais belle, elle ne le devient que sous le regard de l’artiste. Ce serait donc une bien triste conception de la vie que Wilde nous livre : le monde, en soi, ne serait rien qu’un pauvre amas de matière. Mais le monde est-il jamais seulement « en soi » ? Il n’existe qu’à partir du moment où nous en sommes témoins, et, en en témoignant, nous lui donnons sens, richesse, beauté. Si l’esthétique a pour épicentre l’Homme, faut-il percevoir ce dernier comme un heureux illusionné, inventant à chaque moment un monde lumineux de beauté ? Si la Vie imite l’Art, et non pas l’inverse, que devient l’artiste ? Il est alors soit un passif témoin, se contentant de constater de la Vie (celle-ci imitant l’Art, la simple retranscription de la Vie suffirait à créer une œuvre d’Art), soit le maître absolu, créateur de toute réalité : en