La vie réélle et la vie rêvée par le poète
Une expérience intime et subjective sert de point de départ à Nerval et l’interprétation symbolique de l’ambiance dirige et imprègne sa narration. Les faits extérieurs, les épisodes autobiographiques, les échappées vers l’anecdote ne sont autre chose que des rideaux qu’il tire devant le lecteur pour lui cacher le secret indéchiffrable de son âme, la « salle du trésor », comme les gnostiques nommaient les vérités inaccessibles que l’homme conserve au fond de son être pour ne les transmettre qu’à l’initié.
C’est pourquoi Nerval se déguise sous les masques les plus divers. Il y a un Nerval diurne qui caresse au soleil des chevelures de jeunes filles, et un Nerval nocturne qui vit avec des monstres terribles et lutte contre les puissances les plus néfastes. Personne autant que lui ne s’est complu à voiler sa vraie personnalité, à imaginer de délicieuses folies et des joies bruyantes de bohème pour dissimuler la tragédie intime refoulée au plus profond de lui-même.
Né à Paris le 22 mars 1808 et baptisé le 23, Gérard Labrunie, dit plus tard de Nerval, fut confié, âgé de quelques semaines, à une nourrice qui l’emporta au petit village de Loisy, près de Mortefontaine, dans la belle région du Valois. Peu de temps après, son père, médecin adjoint de l’armée napoléonienne, partit pour le