La vérité
La morale est souvent perçue comme un ensemble de règles extérieures à un individu et auxquelles celui-ci obéit sous la pressions sociale ou y adhère par conviction religieuse ou autre. Les morales « primitives » prescrivent des interdictions : l’inceste, l’endogamie, le vol au détriment du groupe. Elles définissent des « tabous ». Ces impératifs négatifs énoncés par des autorités ont souvent préfiguré les formules à venir des codes du droit. Leur transgression entraîne l’exclusion du groupe ou la mort. La morale chrétienne comporte les commandements de Dieu. Le sujet peut y obéir par crainte du châtiment céleste ou – ce qui est plus positif – y adhérer librement.
Mais en vérité, la morale n’est pas l’obéissance ou l’adhésion à des prescriptions venues d’ailleurs ou d’en haut. La vraie morale, c’est le fait d’agir moralement, c’est-à-dire par pur respect du devoir. Une telle morale ne nous contraint pas, mais nous oblige. Le sujet reste libre et a toujours la possibilité de désobéir.
Définition, problématisation.
Le devoir correspond à ce que je dois faire. Le verbe devoir est pris ici au sens de l’obligation plutôt que de la nécessité. Quel sens y aurait-il à parler de devoir pour les besoins naturels ? La nuance est fine mais décisive : du côté de la nécessité, il n’y a ni liberté ni choix, alors que je suis encore libre dans l’obligation, puisque je peux toujours ne pas faire mon devoir. Devoir signifie alors devoir vouloir ou s’obliger. Dans le devoir, c’est donc moi qui m’oblige librement. Pourtant, bien des devoirs sont impérieux au point de paraître nécessaires : j’ai plus souvent l’impression dans le devoir d’être obligé que de m’obliger. Suis-je capable de m’obliger au point de faire mienne la règle qui m’oblige ? Est-ce qu’au contraire les règles du devoir me restent toujours extérieures ?
Question : Le devoir peut-il vraiment être libre, ou bien n’est-il jamais consenti que sous la contrainte ?
L’aspect contraignant que