La virtuosité ou éléctricité
Jean-Marc Chouvel LA VIRTUOSITE : TROMPERIE OU ACCOMPLISSEMENT ? Mais je vais plus loin, c’est la virtuosité elle-même que je prétendrai défendre. Elle est la source du pittoresque en musique, elle donne à l’artiste des ailes, à l’aide desquelles il échappe au terre à terre et à la platitude.
La difficulté vaincue est elle-même une beauté.
Théophile Gautier, dans Émaux et Camées, a traité cette question en vers immortels.
Ceux-là seuls font fi des difficultés qui sont incapables …afficher plus de contenu…
1. Gian Lorenzo Bernini, Apollo e Dafne (1622-25), Marbre de Carrare, 243 cm. 6 Rimsky-Korsakow, Mémoirse de ma vie musicale, in Bernard Champigneul, Les plus beaux écrits des grands musiciens, op. cit. p. 331. 5
Cette transmutation — alchimie, magie — n’est pas le résultat, dans la réalité du virtuose, d’une intervention divine, mais d’un labeur éprouvant. Le travail de la virtuosité n’est pas toujours occulté : il peut parfois, au contraire, faire partie du spectacle, comme en témoigne Liszt à propos de Paganini :
[…] quel homme, quel violon, quel artiste ! Dieu ! que de souffrances, de misères, de tortures dans ces quatre cordes !7
L’affichage de la souffrance n’est probablement pas pour contrarier la part …afficher plus de contenu…
Le premier exemple peut sans doute être trouvé chez Platon. Dans La République, en effet, Socrate affirme que pour la musique des gardiens, « nous n'aurons besoin ni de cordes nombreuses ni d'harmonies complètes » et il poursuit : « épurons aussi le reste. […] ne pas chercher des rythmes diversifiés, ni des mesures variées, mais voir quels sont les rythmes d'une vie ordonnée et virile ».13 Il est difficile de se faire une idée très précise des musiques incriminées, mais le 12 Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits », « Des hommes sublimes »,