LACLOS
- On est loin de "l'amitié tendre" (lettre 90) et de "l'amour" (lettre 124) qui l'unit au vicomte. Cette 161ème missive est une accusation lourde et longue portée à Valmont source du désespoir de la Présidente. On ne saurait relever tous les mots et toutes les expressions qui le désignent "être cruel et malfaisant ; auteur de mes fautes ; c'est ce monstre ; cruel" ou celles qui mettent en lumière les souffrances qu'il a sciemment causées : "me persécuter ; m'avoir tourmentée, dégradée, avilie ; tu redoubles mes tourments ; me persécutez-vous" ()
[...] Ce troisième paragraphe ne laisse aucun doute quant à celui pour qui la lettre est destinée puisque la liaison adultérine de la Présidente est bien un outrage, un opprobre pour l’époux trompé toi, que j’ai outragé ta honte qui serait dans son droit de se venger toi, qui seul enfin aurais le droit de te venger ta vengeance Certaines phrases lèvent onc le doute comme cette injonction : Viens punir une femme infidèle Cette lettre n’a donc pas un mais deux destinataires (trois même car une partie du cinquième paragraphe est une adresse à ses amies à deux tout particulièrement); destinataires qui, il faut le dire, ne sont mentionnés ni dans le paratexte ni dans le texte lui-même. C’est donc au lecteur que revient la charge et la tâche de comprendre à qui s’adresse la Présidente. Il semblerait que celle-ci, étouffée par la honte ou le désespoir et la colère, ne soit même plus en mesure de nommer ces deux hommes qui font ou plutôt ont fait partie de sa vie amoureuse. [...]
[...] Le personnage n’est plus que l’ombre de lui-même. Sa mesure laisse place à la démesure, son calme à une forme toute nouvelle d’hystérie, sa tranquillité à une instabilité constante, son bon sens se mue en folie.