Le baroque littéraire devant la critique
La littérature de la fin du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe siècle a longtemps été oubliée ou reniée. Depuis les jugements portés par Boileau sur les écrivains de ce temps, la tradition classique en avait fait un « paria de l’histoire, synonyme de désordre et de décadence ». La première tentative de réhabilitation était venue des Romantiques. Les victimes de Boileau avaient trouvé en Théophile Gautier un fervent défenseur. L’édition de 1830 de ses Poésies est parsemée d’épigraphes tirées des poèmes de Desportes, Amadis Jamyn, Lingendes, Théophile de Viau, Saint- Amant ; ses Grotesques (1844), qui sont, selon ses propres termes, « une dizaine de médaillons littéraires » consacrés à de « pauvres diables dont la plupart seraient tout à fait inconnus, si leurs noms n’avaient été magnifiés dans quelque hémistiche de Boileau », entreprend de réhabiliter « une poésie neuve, forte, naïve […] où, sans grand souci de la pureté des lignes, le crayon s’égaye en mille fantaisies baroques ». Ce regain d’intérêt rentrait dans la polémique en cours contre l’académisme. Il visait, en premier lieu, à la critique de l’école classique, « école, éplucheuse de mots et peseuse de syllabes, école de grammairiens contre une école de poètes, comme cela se fait toujours » et dont le régent est « le sec, le coriace, le filandreux Malherbe ». Les Romantiques cherchaient à travers cette exhumation à donner une légitimité historique aux principes de la nouvelle école. Le premier article de Gautier consacré à Théophile de Viau s’achève sur une assertion significative :
« On sera bien surpris de retrouver dans Théophile des idées qui paraissaient, il y’a cinq ou six ans, de la plus audacieuse nouveauté. – Car c’est lui, il faut le dire, qui a commencé le mouvement romantique. »
Cette sympathie devait cependant rester sans écho dans la critique officielle du XIXe siècle. Pour Sainte-Beuve, Malherbe reste un guide fidèle.