le beau
Texte 1
Dans les Lettres Persanes, Montesquieu invente une correspondance entre Rico, un Persan qui découvre la société française et son fonctionnement, et ses amis restés en Perse. Ce regard extérieur et naïf permet au moraliste de jeter un regard critique sur certains comportements de ses contemporains.
RICA À RHEDI, À VENISE
Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été ; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode.
Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures ? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers, et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé.
Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel elle est peinte lui paraît étranger ; il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies.
Quelquefois, les coiffures montent insensiblement, et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même. Dans un autre, c'étaient les pieds qui occupaient cette place : les talons faisaient un piédestal qui les tenait en l'air. Qui pourrait le croire ? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures exigeaient d'eux ce changement, et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices.
De Paris, le 8 de la lune de Saphar, 1717.
MONTESQUIEU, Lettres persanes, «Les caprices de la mode», Lettre 99, 1721.
Texte 2
Si la mode est considérée comme une