Flambée raciste en Allemagne, étrangers battus à mort, enfants kosovars blessés dans un centre de demande d'asile, un sans-abri tué sur la côte baltique par des gamins de 15 à 19 ans, «c'était un vagabond, un asocial, dommage qu'on n'ait pas eu les bonnes chaussures, on aurait fini le boulot plus vite», pendant ce temps je suis en train d'écouter un homme, il parle tout seul, la première phrase que j'entends est «une fois une pute, toujours une pute, voilà ce que je dis», il continue à parler, la fille dont il parle est sa nièce, une gamine de 17 ans, c'est clair qu'il la hait, il hait aussi les Noirs, et les Juifs, et les financiers, en fait il hait tout le monde, le monde entier, il raconte sa journée et sa vie, comment il a été obligé de travailler dans une épicerie minable, sa famille ruinée, pourtant une bonne famille, mais il n'a pas eu de chance, pas comme son frère, la famille s'était endettée pour l'envoyer dans une grande université mais l'imbécile s'est suicidé, pas comme sa s²ur, la garce, elle s'est fait faire un enfant par un amant de passage, justement cette nièce de malheur, et son mari l'a répudiée, et voilà qu'il est, lui, obligé de s'occuper de cette fille, et de sa mère à lui, et de tout, et il continue, haine et impuissance, impuissance et haine, un homme de ressentiment, raciste, sexiste, antisémite, rien n'échappe à sa haine, il la met en pratique, il vole l'argent que sa s²ur envoie à sa fille, il pousse sa nièce dehors...
Et moi je l'écoute, je continue à l'écouter, j'entends tout ce qu'il dit, tous les détails, ses galères et ses maux de tête, ses injures et ses plans foireux, la cravate rouge du type qui va séduire sa nièce, les reproches de la vieille domestique noire, les propos immondes qu'il tient à tout ce qui passe à côté de lui, ses idées, si on peut appeler ça comme ça, et ses sentiments, toujours les mêmes, envie et frustration, le monde vu à travers ce qu'on lui doit et ce dont il a été grugé, et alors à lui tout est permis,