Le chant de maldodor
Introduction
Les Chants de Maldoror se donnent à lire comme une célébration du mal par la poésie. Or, si l’on considère que la poésie, sans être pavée de bonnes intentions, célèbre généralement des valeurs qui élèvent l’homme, on peut affirmer que Lautréamont fait subir à la poésie un renversement radical de son statut. Ce qui ne va pas sans perturber la situation du Je poétique, et celle de son interlocuteur-lecteur à qui il est constamment fait une place bien instable dans le texte.
Ce n’est qu’après avoir envisagé les éléments qui désancrent le statut habituel du « je » et de son lecteur, que l’on pourra mieux approcher la spécificité du chant de Maldoror dans ce passage.
Développement
I. Le statut problématique du je
Le statut du « j e » se donne comme pluriel dans cette page : on a d’abord affaire à un « j e » qui commente l’évocation poétique qui va suivre (« Je me propose... de déclamer... », l. 1) ; puis on peut repérer un « j e » de type autobiographique (« Il n’y a pas longtemps que j’ai revu la mer » , l. 14) ; enfin se manifeste le « j e » poétique qui se lance dans l’invocation lyrique. Cette diversité des instances d’énonciation qui se rassemblent sous la même personne grammaticale perturbe le phénomène habituel d’identification et plonge le lecteur dans le soupçon.
a .Le détachement et la neutralisation
De fait, cette diversité des « j e » p e rmet de souligner des jeux avec le lecteur. Si le « j e » poétique s’investit dans une « s t r o p h e » lyrique, comment peut-il affirmer qu’elle sera « f r o i d e », qu’il la déclamera « sans être ému » ? Par ailleurs il se propose de nous présenter sa « s t r o p h e » mais dit-il, « soyez néanmoins, si vous le pouvez, aussi calmes que moi, dans cette lecture que je me repens déjà de vous offrir » (l. 17) ; il manifeste ainsi des décisions contradictoires.
b.La monstruosité
Le « j e » se présente par ailleurs comme un être problématique ; il revendique son