Le chêne et le roseau.
INTRODUCTION
Poèmes, récits chargés d’une dimension morale et saynètes tout à la fois, les Fables de La Fontaine n’ont cessé de susciter l’admiration et de servir de modèle depuis plus de trois siècles. L’une des plus célèbres d’entre elles, « Le Chêne et le Roseau », présente la double originalité, d’une part de personnifier non des animaux mais des végétaux, d’autre part de se présenter comme un pur récit, la morale de l’histoire semblant pour une fois secondaire voire absente.
Le récit semble construit en deux étapes : dans un premier temps (vers 2 à 17), le chêne tient un discours humiliant au roseau ; dans une deuxième partie, ce dernier, loin de rester indifférent, ironise, relève le gant et, confiant, s’en remet à un arbitrage supérieur (18 à 24). La tirade de l’un et la réponse de l’autre méritent à coup sûr un examen attentif.
Nous chercherons en effet à vérifier l’hypothèse suivante : « Le Chêne et le roseau » est une fable qui n’est dépourvue de moralité qu’en apparence. En réalité, il en existe une, et même plusieurs. Dans un premier temps, nous analyserons tout ce qui fait l’intérêt de ce récit chargé de ce suspense, on pourrait presque dire de cette « épreuve sportive ». Ensuite, nous poserons la question : derrière le poème, n’y a–t-il pas message, leçon ?
I ORIGINE ET ORGANISATION DU PARI
Position du chêne
C’est un bavard (seize vers, dont la moitié sont des alexandrins, vers particulièrement solennel et majestueux). Son discours s’ouvre et se clôt sur une remarque incitant le roseau à se plaindre en dénigrant la Nature :« Vous avez bien sujet d’accuser la Nature » (2)« La Nature envers vous me semble bien injuste » (17) En agissant ainsi, il ouvre donc les hostilités doublement. Tout se passera en effet comme si « la Nature » avait eu à cœur de punir cette accusation d’injustice la visant directement (« Acceptons-nous tels que la Nature nous a faits » semble dire le fabuliste).
Par ailleurs, le chêne cherche à