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Le corps retrouvé
Marine Guyot-Roussel, professeur de philosophie
Le succès du sport est-il la marque que nous avons retrouvé notre corps, que nous nous sommes enfin reconnus comme corps ?
À cette question s’en ajoute une autre : en quels sens reconnaissons-nous ce corps ? Comme partie de nous, comme avoir, ou comme ce que nous sommes ? En d’autres termes, la valorisation du corps par l’engouement sportif que nous connaissons à travers le culte de la performance et l’exigence contemporaine de faire valoir un « esprit sain dans un corps sain » sont-elles réellement les marques d’un tournant dans la pensée, d’une modification de l’esprit du temps ? Cette évolution n’est-elle pas liée à l’augmentation des connaissances médicales et, plus particulièrement, à la thèse selon laquelle nous serions un corps qui pense parce que certains processus matériels le lui permettent ?
On pourrait, en effet, croire que la reconnaissance supposée du corps et la place faite au corps pensant (notamment par les neurosciences) seraient liées, dans la mesure où cette dernière thèse reste un mobile pour lequel on pourrait être moins enclin à dévaloriser le corps aujourd’hui qu’hier 1. Quand le corps n’est perçu que comme entrave pour penser, il est à bannir ; quand il est conçu comme une machine, il est secondaire, bien que nécessaire à la vie, tant qu’on ignore comment construire à notre tour une machine équivalente. Seules la pensée et l’âme, immatérielles, demeurant après la mort (et ce, plus encore depuis l’influence des théologies juive et chrétienne), ont longtemps constitué l’essence de l’homme.
Que l’on mette en doute l’existence d’une âme immortelle, que les croyances religieuses s’atténuent voire se perdent, et que l’on trouve un certain nombre de corrélations entre l’action de penser et la connexion bien matérielle de neurones entre eux, et ce que nous sommes se transforme alors. Si l’homme est un