Le curé et le mort
Sous le règne de Louis XIV, les écrivains dépendent du mécénat et du pouvoir royal, ils n’avaient pas de liberté pour critiquer directement les membres de la royauté ou du clergé. Jean de la La Fontaine, avec les fables, réalise un parfait équilibre entre les exigences classiques et une éblouissante fantaisie, où la critique y est implicite.
La fable Le Curé et le mort est issue du septième recueil des fables, elle en est la onzième.
Notons que les fables de ce même recueil ont pour thème commun et dominant la rapacité et la chimère.
Depuis l’antiquité, la fable est un moyen de satire. Ici, La Fontaine ne se prive pas de critiquer les mœurs du clergé. Il nous raconte la chute inopinée d’un curé ayant la folie des grandeurs.
Lecture du texte
Le Curé et le Mort
Un mort s'en allait tristement
S'emparer de son dernier gîte ;
Un Curé s'en allait gaiement
Enterrer ce mort au plus vite.
Notre défunt était en carrosse porté,
Bien et dûment empaqueté,
Et vêtu d'une robe, hélas ! qu'on nomme bière,
Robe d'hiver, robe d'été,
Que les morts ne dépouillent guère.
Le Pasteur était à côté,
Et récitait à l'ordinaire
Maintes dévotes oraisons,
Et des psaumes et des leçons,
Et des versets et des répons :
Monsieur le Mort, laissez-nous faire,
On vous en donnera de toutes les façons ;
Il ne s'agit que du salaire.
Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort,
Comme si l'on eût dû lui ravir ce trésor,
Et des regards semblait lui dire :
Monsieur le Mort, j'aurai de vous
Tant en argent, et tant en cire,
Et tant en autres menus coûts.
Il fondait là-dessus l'achat d'une feuillette
Du meilleur vin des environs ;
Certaine nièce assez propette
Et sa chambrière Pâquette
Devaient voir des cotillons.
Sur cette agréable pensée
Un heurt survient, adieu le char.
Voilà Messire Jean Chouart
Qui du choc de son mort a la tête cassée :
Le Paroissien en plomb entraîne son Pasteur ;
Notre Curé suit son Seigneur ;
Tous deux s'en vont de