Dans L'être et le Néant, Sartre écrit : " L'homme qui désire existe son corps d'une manière particulière et, par là, il se place à un niveau particulier d'existence. En effet, chacun conviendra de ce que le désir n'est pas seulement envie, claire et translucide envie qui vise à travers notre corps un certain objet. Le désir est défini comme trouble. Et cette expression de trouble peut nous servir à mieux déterminer sa nature : on oppose une eau trouble à une eau transparente ; un regard trouble à un clair regard. L'eau trouble est toujours de l'eau ; elle a gardé la fluidité et les caractères essentiels ; mais sa translucidité est " troublée " par une présence insaisissable qui fait corps avec elle, qui est partout et nulle part et qui se donne comme un empâtement de l'eau par elle-même ". L'empâtement n'est autre que la chute du pour-soi vers l'en-soi. C'est la conscience qui fait corps. Le désir dont il s'agit, ce n'est pas la faim ou la soif. Manger ou boire, c'est assouvir sa faim ou sa soif, la réaliser en même temps qu'on la supprime. Le désir sexuel est d'une autre nature. Boire, manger renvoient à des désirs secs et clairs. Le désir, lui, " me compromet ". Je suis complice de mon désir. Le désir est chute dans la complicité avec le corps. Dans le désir la conscience est empâtée. On se laisse envahir par le corps. On cesse de le fuir. Il y a un consentement passif au désir. Le corps envahit la conscience, la rend opaque à elle-même. Le désir vous prend, vous submerge, vous transit. La faim ne submerge pas. Le désir est consentement au désir. La conscience est comme alourdie, elle glisse vers un état comparable au sommeil. Le désir me dévoile à ma contingence de corps : la chair.
Le désir est désir de l'autre. Le désir requiert l'autre, même s'il est absent. " J'essaie d'envoûter l'Autre et de le faire apparaître ; et le monde du désir esquisse en creux l'Autre que j'appelle ". Mais de cet autre je ne peux jamais saisir la conscience. Ainsi, je peux saisir