Le dernier jour d'un condamné
« Je ne relirai pas Le Dernier Jour d'un condamné : Dieu m'en garde ! C'est un mauvais rêve dont on n'ose pas se souvenir de jour, pour n'y pas retomber de nuit. Mais je suis bien aise de le connaître : il est bon d'avoir de toutes les émotions.
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La première chose dont on s'inquiète, quand un livre paraît, c'est de ceci : Pourquoi ce livre? De notre temps surtout, où tout se pèse par l'utilité, même les plaisirs de l'esprit, cette question est dans toutes les bouches. Aussi quand l'annonce du Condamné a paru dans les journaux, on s'est dit, avant de lire : Que nous veut ce condamné? Et il y avait lieu, cette fois, à s'intriguer : les apparences étaient si bizarres ! Après avoir lu, beaucoup se demandent encore : Que nous voulait-on? à quoi bon cette débauche d'imagination, ce long rêve de crime, de sang, d'échafaud ? Et pourtant, l'auteur avait un but : dès les premières pages, il le fait dire et développer par son héros en très belles phrases. Ce but, c'est de faire horreur de la peine de mort. Si l'on ne s'en souvient plus la lecture finie, c'est sans doute qu'il a été manqué.
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La peine de mort analysée avec tant de luxe, et mise à nu sous les yeux du lecteur, lui a-t-elle apparu comme une effroyable et inutile barbarie? Je ne le pense pas.