Le dormeur du val, arthur rimbaud
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Introduction -
- La candidature, le 21 juin 1870, du Prince franco-allemand Léopold Hohenzollern-Sigmaringen au trône d'Espagne, vacant depuis la révolution de septembre 1868, est l'élément déclencheur de la guerre franco-prussienne. Le 6 juillet, le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères, annonce que la France, dirigée par Napoléon III, s'oppose à cette candidature. Le 13 juillet, alors que la France lui demande de garantir le retrait de Léopold, le roi Guillaume de Prusse, agacé, fait confirmer la renonciation du prince. Cependant son télégramme (la dépêche d'Ems), relatant son entretien avec l'ambassadeur de France, est réécrit par le Chancelier de Prusse Von Bismarck (même si Léopold s'est bien retiré), pour laisser croire à un congédiement humiliant de l'ambassadeur de manière à provoquer l'indignation des Français. Le 19 juillet, la France déclare la guerre à la Prusse.
C’est donc en pleine guerre franco-prussienne qu’Arthur Rimbaud écrit "Le Dormeur du val", poème daté d’octobre 1870 et qui appartient aux Cahiers de Douai. Ce sonnet introduit le second cahier que Rimbaud rédige à Douai. Celui-ci semble plus structuré que le premier. En effet, il ne contient que des sonnets, tous plus ou moins liés à l’équipé